Entretien avec un passionné : André d’Orsonnens, grand patron de Druide informatique

À l’occasion de la cérémonie de remise des titres d’agrément, le 14 juin dernier, Josée Boudreau, réd. a. et membre du CA de la SQRP, s’est entretenue avec André d’Orsonnens, cofondateur, président du conseil et chef de la direction de Druide informatique (Antidote et Tap’Touche) et président du conseil des Éditions Druide. Rencontre avec un homme passionné, passionnant et plein d’humour! 

La première question de notre collègue Josée Boudreau a porté sur la création du logiciel Antidote. Pour y répondre, André d’Orsonnens a d’abord exposé la genèse des logiciels de correction, à la fin des années 80. Ainsi, le premier véritable correcteur grammatical, un produit de conception québécoise qui a eu un succès international, était Hugo, un logiciel de deuxième génération. Les applications précédentes consistaient essentiellement en des banques de mots, qui permettaient seulement une vérification orthographique. Ce type d’applications s’est amélioré avec le Correcteur 101, lui aussi conçu au Québec, le premier logiciel de troisième génération capable d’analyser la phrase entière et donc d’effectuer des relations entre les mots.

La naissance d’Antidote

Dans les années 90, André d’Orsonnens travaillait comme avocat spécialisé en litiges, dans un cabinet comptant une centaine d’avocats et d’avocates. Un de ses amis d’enfance, Éric Brunelle, informaticien chez Correcteur 101, l’a approché avec un projet de logiciel sur la langue française.

Pour celui-ci, la question fondamentale était de se distinguer des produits déjà sur le marché, comme le Correcteur 101, les dictionnaires Larousse et Robert sur cédérom, les logiciels de conjugaison, etc. L’idée est venue aux deux complices de créer une nouvelle catégorie de logiciels qui allait fédérer l’ensemble des outils dans une seule application.

C’est ainsi qu’est né Antidote en 1996. Ce logiciel d’aide à la rédaction du français a connu aussitôt un grand succès au Québec. À ce sujet, le président de Druide informatique est fier d’avoir fait mentir la maxime qui dit que nul n’est prophète en son pays! Par la suite, Antidote a été lancé en France, en Belgique et en Suisse, obtenant là aussi un accueil exceptionnel.

André d’Orsonnens a tenu à souligner l’apport essentiel de tous les utilisateurs et utilisatrices d’Antidote qui, au fil des ans, ont transmis leurs commentaires et leurs suggestions : « Nous sommes continuellement à l’écoute des besoins des usagers d’Antidote. » À cet égard, il a d’ailleurs remercié Carlos del Burgo, réd.a., de l’Université Concordia, qui participait à l’événement de la SQRP. Ces contributions sont très utiles pour mieux comprendre les besoins de la clientèle et adapter le produit.

Des fonctionnalités sous-utilisées

Interrogé sur les fonctions moins connues d’Antidote, André d’Orsonnens répond d’emblée qu’il s’agit des divers jeux de réglage des paramètres du logiciel. On peut, par exemple, donner un genre à des mots, tels « je », « nous », etc., afin que le correcteur fasse des ajustements en conséquence pour adapter un texte existant.

Une foule d’adaptations sont aussi possibles avec les réglages, selon les aptitudes et des besoins : langage familier, alerte sur les québécismes, homophones (par exemple, balade et ballade), etc. André d’Orsonnens suggère d’ailleurs à l’auditoire de consacrer une vingtaine de minutes pour explorer ces fameux réglages.

Autre fonction moins connue : chacun des mots apparaissant dans les pages d’Antidote est cliquable, même si les hyperliens n’apparaissent pas, et mène aux dictionnaires. Certaines personnes découvrent au fur et à mesure les richesses du logiciel, s’intéressant par exemple au correcteur, puis à la dizaine de dictionnaires inclus dans le logiciel. « Antidote est un ami qui ne se fatigue jamais! », s’amuse à dire André d’Orsonnens.

Une palette infinie de talents

« Le plus grand actif de Druide, ce n’est pas Antidote, ce n’est pas TapTouche, ce sont les gens », affirme-t-il. L’entreprise compte une centaine de personnes aux profils variés, dont certaines effectuent un véritable travail de moine. Druide est un employeur de choix pour qui aime la langue française. Il emploie des gens très diplômés, en linguistique, informatique, etc., souvent référés par des professeurs d’université. On ne sera pas étonné d’apprendre que le roulement de personnel y est très bas… ni surpris non plus de savoir que Druide entretient une collaboration étroite avec l’OQLF.

La rigueur est de mise chez Druide, rappelle André D’Orsonnens, tout en signalant que « rigoureux » ne rime pas avec « téteux » mais avec « méticuleux »! Il faut prendre le temps de faire bien les choses, surtout lorsqu’on s’est donné une mission importante : aider les gens à écrire avec plaisir et assurance.

Redonner à la communauté universitaire

Pour célébrer les 20 ans d’Antidote, Druide a tenu à faire un don important à l’Université de Montréal, une institution où ont étudié quatre des cinq actionnaires de l’entreprise. Celle-ci a donc accordé un million de dollars sur cinq ans à l’UdeM pour la création d’une chaire de recherche informatique sur l’apprentissage profond, une sorte d’intelligence artificielle. De ce don, 20 000 $ a pris la forme d’une bourse d’études dans ce domaine de recherche.

L’an dernier, à l’occasion des 25 ans d’Antidote, Druide a également remis un million de dollars à l’UQAM pour créer une chaire de recherche en orthopédagogie. Une bourse de 25 000 $ est aussi destinée à quelqu’un étudiant dans cette discipline.

Des statistiques alarmantes

Souhaitant également s’attaquer à certains grands enjeux de société, André d’Orsonnens, qui siège au conseil d’administration de la Fondation pour l’alphabétisation, a présenté quelques statistiques alarmantes afin de sensibiliser les personnes présentes à ce sujet. Au Québec, une personne sur deux a de faibles compétences en littératie, ce qui signifie qu’elle ne sait pas lire ou peine à le faire. Quant aux gens nés à l’extérieur du Canada, ce pourcentage est d’une personne sur cinq en raison, souvent, de la barrière de la langue. D’ailleurs, dans cette catégorie, la moitié a des problèmes d’apprentissage.

Pour y remédier, M. d’Orsonnens est convaincu que le français représente l’une des matières les plus importantes à l’école, puisque c’est sa maîtrise qui permet ensuite de mieux comprendre les autres. Pour lui, l’un des meilleurs moyens pour y parvenir repose sur la lecture en bas âge. C’est pourquoi il s’émerveille devant le projet La lecture en cadeau, une initiative de la Fondation sur laquelle il siège.

« Il faut intervenir auprès des enfants le plus tôt possible, explique-t-il. Les orthopédagogues sont des professionnels très importants pour soutenir les enfants rencontrant des difficultés ».

Pour conclure

Merci, André, pour ce partage fort enrichissant. Grâce à vous, nos collègues réd. a. comprendront désormais mieux l’historique de leur logiciel chouchou et pourront en tirer des bénéfices encore plus grands!