On a mis les mots à mort. Vraiment?

Par Stéphanie Dupuis, réd. a.

Lors du cocktail des fêtes de la SQRP, j’ai eu l’occasion d’échanger avec des gens cultivés, passionnés de leur métier d’artisan des mots. Comme toujours, j’apprécie ces rencontres riches et engagées. Mais cette fois, j’en suis ressortie avec un petit plus : une conversation est demeurée particulièrement vive à mon esprit et m’a mené à actualiser et à affiner mon opinion à propos de l’importance des mots.

Ainsi pendant la soirée, une collègue me partageait son désir de rédiger davantage dans le cadre de son travail. Le maniement des mots et des idées lui manquait et elle l’avait donc mentionné à sa gestionnaire. Quelle ne fut pas sa surprise de l’entendre lui répondre que l’exercice de l’écriture était désuet et voué à une extinction. On a continué à échanger et à discuter du sujet, puis on a glissé vers d’autres thèmes… Mais de retour chez moi, la question est revenue me hanter : l’écriture est-elle réellement vouée à l’extinction?

 

La rédaction malmenée sur le Web

À titre d’experte en communication et en marketing, je suis effectivement obligée d’admettre que la réputation de l’écriture est mise à mal. On partage les articles à cause du sensationnalisme d’un titre — et on se fout bien des nuances (ou l’absence de ces dernières) que fait l’auteur deux paragraphes plus bas. On évalue que le trafic du Web est largement dominé par la vidéo; certaines prévisions vont jusqu’à 80 % en 2021! Pour arriver à convaincre et à vendre : on raccourcit la longueur des textes, on use de stratagèmes pour attirer l’œil… Bref, je comprends très bien le raisonnement de la gestionnaire de ma collègue rédactrice qui lui annonce la mort de l’écriture. Mais est-ce que j’y crois?

Oui et non. [Les arguments pour nuancer le titre s’en viennent.] Oui, nous disposons de moins en moins de temps en promotion, en vente et en marketing – particulièrement sur le Web – pour « accrocher » un lecteur. Dans ce contexte particulier, je suis en accord avec l’idée que le texte va [misère!] continuer de céder la place aux autres supports : images, vidéos, sons, odeurs, etc. Ces méthodes d’expression se sont effectivement démocratisées; elles sont encore neuves, attrayantes et si faciles d’approche… Sans compter qu’elles sont, dans une certaine mesure, universelles et sans barrières [de langues]. On n’a certainement pas fini de les explorer et de les exploiter.

 

L’écriture : incontournable vecteur pour communiquer la science

Mais, je suis d’avis que ces mêmes méthodes ont une limite dans le partage et l’expression fine de concepts. L’écriture demande certes un peu plus de curiosité, de discipline et de persévérance, mais, sans les mots, comment Stephen Hawkins aurait-il pu communiquer avec justesse et précision la complexité des lois d’astrophysique?

Et qu’adviendrait-il si plus personne ne vulgarisait par écrit les récentes avancées de la science? Si on ne faisait plus que des clips de 30 secondes pour décrire les phénomènes complexes? Je crois que nous assisterions notamment à de la désinformation, à un recul collectif de conscience. [Ce qui n’est pas sans rappeler la culture actuelle du Web!]

 

Indispensable pour la mémoire collective

J’éprouve le même sentiment pour les domaines de la poésie, de l’art et même de l’art visuel… Sans les mots, comment expliquer une œuvre, décrire le contexte de sa création et de son passage dans le temps?

Bref, je ne partage pas du tout l’idée que l’écriture va mourir. Comme pour la parole qui se transforme, se défait et se refait depuis 40 000 ans, l’écriture va poursuivre son jeune parcours de 5000 ans… Mais je ne crois pas qu’on ait fini d’exploiter sa richesse et sa valeur.

Envie de poursuivre cette réflexion? Je vous attends au prochain événement de la SQRP!

 


Actuaire de formation, Stéphanie Dupuis oeuvre en communication et en développement des affaires depuis 20 ans auprès d’institutions financières, de firmes conseils, de PME et d’organisations en innovation sociale. Elle agit à titre de coach, de formateur et de conseiller pour diriger un projet particulier ou pour assumer la direction des communications des clients.

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