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France Brûlé, réd. a.

En réaction à deux articles qui ont fait l’actualité dernièrement, soit Écriture inclusive : la langue n’est pas idéologique instantanément, dit Dany Laferrière de Fanny Bourel et Québec bannit les néologismes comme « iel » du vocabulaire de l’État de Jérôme Labbé, France Brûlé, réviseure agréée, rédactrice agréée et formatrice, a pris la plume.

«La langue évolue avant tout par l’usage », dit Dany Laferrière. Juste. Sauf qu’ici, c’est le gouvernement qui veut orienter l’usage — comme le fait déjà l’OQLF. Il peut essayer, mais encore faut-il savoir comment s’y prendre.

Dire qu’on suit les recommandations de l’OQLF et l’usage, et qu’on veut uniformiser les communications dans l’administration publique, c’est légitime. Mais ça ne suffit pas à rallier les gens à la décision du gouvernement. Imposer sans bien expliquer, ce n’est jamais gagnant. Demandez-le à n’importe quel parent.

Pourtant, sur le fond, je suis assez d’accord avec l’approche actuelle : elle va dans le sens des recherches en psycholinguistique. On sait, par exemple, que le cerveau imagine spontanément des hommes quand il lit une forme masculine (ex. : les politiciens), qu’elle se réfère ou non à des hommes.

Utiliser des doublets complets (ex. : les politiciennes et politiciens) et des formulations qui ne font pas référence au genre des personnes, appelées formulations neutres (ex. : la classe politique, le milieu politique), tout en conservant avec parcimonie le masculin générique et des marques du masculin grammatical, c’est un pas dans la bonne direction. C’est plus inclusif et en phase avec notre époque, et c’est nettement mieux que de ne rien faire.

Un aspect de l’approche du gouvernement et de l’OQLF me dérange toutefois : on accepte les doublets abrégés avec parenthèses ou crochets, mais pas avec le populaire point médian. Les parenthèses et les crochets sont mieux connus, certes, mais rien ne prouve qu’ils soient plus clairs.

Ce qu’on sait, en revanche, c’est que, peu importe le signe graphique, les doublets abrégés nuisent à l’accessibilité numérique. Les lecteurs d’écran trébuchent sur toutes ces formes. Utiliser des doublets abrégés, c’est donc exclure les personnes qui utilisent une aide technologique pour lire – alors même que l’administration publique s’est engagée à appliquer les normes d’accessibilité numérique.

Résultat : beaucoup de personnes débattent de la question avec leurs tripes comme en témoignent les commentaires à l’article sur Laferrière – sans avoir une véritable vision d’ensemble de la question.

Dernier point : Suis-je la seule à avoir remarqué la façon dont plusieurs médias ont rapporté l’annonce du gouvernement, comme s’il jetait le bébé avec l’eau du bain? 

Voici deux vidéos éclairantes sur l’écriture inclusive :

Découverte – La science derrière l’écriture inclusive

Viviane Lalande – L’écriture inclusive a-t-elle un intérêt? Quelles preuves?