Nos membres s’expriment

Aurélie Sabatié, réd. a.

L’article intitulé En abandonnant l’écriture à l’IA, nous risquons de nous empêcher de réfléchir de Corentin Lamy paru dans Le Monde le 13 novembre a capté l’attention de l’une de nos membres. Aurélie Sabatié y réagit ici en y ajoutant sa vision personnelle de l’une des menaces qui guettent les cerveaux dépendants de l’intelligence artificielle.

« Mettre de l’ordre dans un texte, c’est mettre de l’ordre dans sa pensée. »

L’acte d’écrire relève tant du processus que de sa finalité. Si le but ultime est de communiquer, le fait même d’écrire sert à organiser ses idées. Écrire, c’est réfléchir à un sujet avant même de choisir ses mots. Au fur et à mesure que les mots prennent vie et s’incarnent, les idées s’affinent. Ce processus dynamique et itératif est souvent plus complexe qu’il n’y paraît, et certainement moins immédiat qu’une requête à un agent conversationnel.

Face au recours croissant à l’IA générative, devrions-nous pour autant renoncer à notre libre arbitre et céder notre place sur le terrain des idées? Sommes-nous en passe de devenir d’habiles techniciens du copier-coller?

Déléguer la mise en mots est un acte de confiance dont nous (les réd.a.) sommes souvent les dépositaires; nous prêtons ainsi notre plume pour exprimer avec justesse des positions et des actions.

Il nous incombe, ainsi qu’à nos clients, de décider du sujet, de l’angle, des sources sur lesquelles nous appuyer, etc., car nous savons intimement ce que nous cherchons à dire. Cette liberté est précieuse et il serait triste de s’en départir, au risque de produire du contenu uniforme, automatisé, sans saveur.

Alors, plutôt que de céder à la panique, choisissons la réflexion. Si comme l’écrit l’auteur de cet article avec une éloquence poétique, « les générateurs de texte produisent des phrases comme la montagne produit des torrents, sans avoir conscience d’où ils vont, de ce qu’ils charrient. Ni même qu’ils existent. », je vous invite à continuer d’écrire et d’incarner vos idées. Ne cédons pas aux impératifs d’efficacité et continuons d’ancrer nos mots dans le réel pour éviter que la montagne n’accouche d’une souris.

PS : La tentation était forte de solliciter l’IA sur cette question épineuse. Lui ayant demandé si à trop l’utiliser, nous risquions de cesser de réfléchir, sa réponse m’a surprise : « le risque est réel et si on se contente de copier-coller, oui, la réflexion s’appauvrit ». Si l’IA le dit, ce doit être vrai?!