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- 6 mai 2014
(Réédition d’un texte de Jean Dumas tiré de sa série Enquête)
Le texto comme dernier avatar de l’écriture
Depuis l’antique plume d’oie jusqu’au clavier du téléphone intelligent, l’écriture continue sans cesse sa progression dans les rapports interpersonnels, faisant ainsi mentir les prévisionnistes qui la croyaient foutue. À l’ère de l’écran tactile – « les gens ne lisent plus » –, l’alphabet n’aurait plus jamais la cote. Le numérique lui assènerait son dernier coup, lui riverait son dernier clou.
C’est tout le contraire qui survient sous nos yeux. Au point où nombre de gens se servent moins de leur accès téléphonique sans fil pour converser directement que pour s’écrire. Où est donc passée la société audiovisuelle qu’on nous annonçait? Ce revirement nous concerne au premier chef, nous les rédacteurs, puisque, par profession, nous sommes des gens de l’écriture. Nous nous pensions peut-être les derniers témoins d’une époque en déclin, alors que nous serions plutôt les chefs de file d’un temps qui naît.
1. L’écriture permet de communiquer sans trop se compromettre
L’écriture est née à des fins d’archivage et d’inventaire, conformément au proverbe : « Les paroles s’envolent ; les écrits restent. » Mais dès que les supports commencèrent à devenir plus maniables (de la pierre à l’argile, puis des lanières de peau au papyrus), on commença à lui trouver une vocation de moyen de communication facile.
L’invention du papier devait la démocratiser pleinement et en faciliter l’usage comme instrument d’échanges interpersonnels. À l’origine de cette nouvelle vocation, le choix de l’écriture comme moyen de communiquer entre proches résultait simplement de leur éloignement momentané. Lisez les lettres des amoureux célèbres d’autrefois qui ne cessaient de répéter : « Ah ! Je brûle de vous retrouver. » Autrement dit : « J’écris parce que c’est le seul moyen que j’ai de vous déclarer mes sentiments. »
L’écriture amplifie l’élan des sentiments
Mais ces sentiments étaient mis à rude épreuve dès que les amants se retrouvaient. En effet, leurs tête-à-tête s’avéraient souvent moins romanesques que leurs échanges épistolaires. Quelle déception, alors, de se retrouver devant un partenaire dont les rapports amoureux se situaient bien au-dessous de ce qu’avait laissé entrevoir sa façon d’écrire. En langage d’aujourd’hui on parlerait de second degré. Couchés sur papier, les sentiments se donnent le temps de fouiller dans les dictionnaires pour dénicher le mot juste qui les dilatera en vue de séduire le destinataire. La médiatisation des émotions par l’écriture a donc pour effet d’amplifier leur élan naturel pour les rendre plus efficaces. Il devient ainsi possible de titiller à distance les sens de l’être aimé.
À l’inverse, la parole, parce que spontanée, s’inscrit dans le premier degré, la réaction immédiate, irréfléchie. D’où ces phrases hachurées et désordonnées des échanges oraux que complètent l’animation du visage et la gestuelle. Il ne viendrait à personne l’idée de parler comme on écrit. C’est tellement le cas que, chaque fois qu’on entend quelqu’un disserter doctement dans le cadre d’une simple conversation, on dit qu’il « s’écoute », qu’il « récite », qu’il lit des phrases écrites dans sa tête.
L’écriture réduit les heurts affectifs
L’écriture établit donc une distance entre les interlocuteurs ; ce qui se vérifie notamment dans les dialogues teintés d’agressivité. Comparez, à cet égard, les discours bien léchés – bien rédigés – des politiciens et leurs hésitations et balbutiements quand ils sont invités à débattre face à face.
Cette distance a l’avantage de réduire les chocs entre interlocuteurs. La personne qui écrit a le loisir de choisir les mots qui rendront adéquatement sa « pensée ». De son côté, celle qui lit a tout son temps pour digérer le message et préparer son argumentaire de retour ; ce qui ne lui est pas possible à l’oral où l’émotion embue rapidement la raison.
Les prises de bec enflammées font le pain et le beurre des thérapeutes de couples, qui s’attardent moins aux sujets de discorde abordés qu’au choix des mots, au ton de la voix, à l’allure du visage et au langage des gestes. L’écrit camoufle cet affolement sous une couche de formules présentables.
En conséquence, si vous voulez dialoguer sans trop vous compromettre, en vous gardant une marge de manœuvre, écrivez ce que vous vous proposez de communiquer. Écrire vous permettra d’exprimer vos sentiments selon une progression délibérée et par petites doses comestibles. Ainsi aurez-vous transfiguré la réalité brute en artisanat.
2. Les gens d’aujourd’hui ont besoin de la distance que favorise l’écriture
L’autonomie nous a affranchis des entraves qu’imposaient les sociétés corsetées. Chacun est désormais libre de penser comme il le veut, d’agir comme il l’entend. Et c’est bien ce qu’il fait. On n’avance plus en coupes réglées. À bas les hiérarchies ! Toute relation est un contrat d’égal à égal.
Mais à quel prix? De la solidarité largement partagée dans les collectivités monolithiques d’hier, il ne reste plus que quelques fragments vécus au sein de la famille nucléaire… originale ou reconstituée. Par ricochet, en l’absence de cette précieuse balise que constituait le « groupe », c’est l’isolement qui guette. Une telle situation est particulièrement évidente dans les grandes villes où tant d’inconnus se côtoient dans l’indifférence, chacun étant occupé à poursuivre sa réussite personnelle et sa propre qualité de vie. Solitude dans la foule. Déficit de communication. « Déficit de communication », avez-vous dit? Les créateurs des médias électroniques y ont pensé en même temps que vous.
Alors, ils vous ont pourvu d’un outil pratique qui vous permettait de parler à qui vous vouliez, n’importe quand et n’importe où. Ils avaient perçu votre besoin impérieux de quitter l’insularité. Le succès astronomique de leur portable a bien montré qu’ils avaient vu juste.
S’éloigner du bruit de fond
Mais tout remède comporte sa part de contre-indications. Et, semble-t-il, personne n’a pris le temps de lire les directives. C’est ainsi que tout le monde s’est mis à parler à tout le monde en même temps, créant ainsi une invraisemblable cacophonie. Vous étiez toujours aussi seul. Étourdi, en plus, par une information surabondante, incontrôlable.
Ce qu’il vous faut – vous l’avez finalement compris –, c’est la possibilité de communiquer quand vous le souhaitez, mais aussi la capacité de vous isoler quand le bruit de fond est trop perturbant. Vous avez décidé de vivre sans maître? Il ne sera pas dit que vous deviendrez esclave d’un téléphone. Votre situation n’est pas facile. Vous voulez échapper à la dépendance, mais avez quand même besoin de chaleur humaine. Vous ne souhaitez donc pas vous priver de toute relation ; vous tenez simplement à garder une certaine distance entre vous et l’autre de manière à conserver votre autonomie. Or, il existe une façon éprouvée d’assurer cet équilibre dans vos communications : l’écriture.
3. CONCLUSION : l’écriture répond bien aux attentes de notre époque
Qui a dit qu’écrire devait se faire absolument sur du papier ? Qui a prétendu que le style d’un texto devait reproduire nécessairement celui d’une missive? Ce qu’il faut plutôt retenir de l’écriture d’aujourd’hui, c’est qu’elle conserve toujours, dans n’importe quel contexte, la fonction qui lui fut de tout temps si utile : assurer une certaine distance entre des interlocuteurs.
L’écriture d’aujourd’hui est un hymne à la liberté. Liberté d’échanger à son propre rythme, liberté de transformer en point de contact affranchi cet outil d’assujettissement que constitue le combiné téléphonique.
Souvenez-vous : à l’origine, le téléphone mobile ne comportait qu’un clavier embryonnaire. Le succès instantané de son application « texte » incita les fabricants à la développer, puis à en faciliter l’utilisation… jusqu’à l’associer récemment aux sites de dialogue les plus fréquentés, comme Facebook ou Twitter. De toute évidence, cette application-là répondait à un besoin latent.
Vous voulez vous affranchir des sonneries intempestives qui prennent votre quotidien en otage? Mais, en même temps, vous ne voulez pas perdre le contact avec votre milieu de vie? L’écriture est la réponse toute trouvée. Vous voulez assurer votre autonomie sans rompre les liens avec la société? Faites de l’écriture votre moyen privilégié de communication. Vous voulez vous donner un temps de réflexion avant de répondre à votre interlocuteur? Rien ne saurait remplacer l’écriture.
Réfléchir pour mieux dire
« Mais pourquoi s’écrivent-ils encore? » avons-nous demandé en tête de cet article, alors que les gens ont pourtant la possibilité de communiquer beaucoup plus rapidement par voie orale. Ce peut sans doute être pour des raisons pratiques. Mais, à notre avis, la vraie raison est ailleurs.
Nous croyons que, pour plus d’un, c’est d’abord pour s’assurer un espace de liberté, se protéger de l’envahissement. En s’astreignant au lent déroulement de mots (relativement) bien écrits et de phrases (plus ou moins) bien construites, l’on établit une certaine distance avec le correspondant. Façon d’échanger qu’on peut situer quelque part entre la conversation à bâtons rompus et la composition classique.
Sage distance, qui permet l’éclosion de relations plus réfléchies. Vertu du deuxième degré qui humanise les rapports humains. Qui ne s’en réjouirait pas? Cette dynamique particulière de l’écriture, le rédacteur professionnel la connaît bien. Il ne peut donc qu’être heureux de la découvrir si largement « tendance ».
- 6 mai 2014
Ouvert aux membres de la SQRP
La Société québécoise de la rédaction professionnelle invite cordialement ses membres à un cocktail le jeudi 22 mai, de 18 h à 20 h, au 6651, boulevard Saint-Laurent, dans la grande salle de l’ancien presbytère Saint-Jean-de-la-Croix, entièrement rénové, situé en plein cœur de la Petite-Italie, à Montréal (métro Jean-Talon). Consulter l’itinéraire.
Cet événement sera pour vous l’occasion de souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres agréés et de rencontrer vos consœurs et confrères dans une ambiance conviviale, autour d’un verre de vin et de bouchées.
De plus, nous aurons le grand plaisir de remettre le titre de membre d’honneur de la SQRP à Mme Claire Michaud, présidente sortante de notre association.
Veuillez confirmer votre présence à l’adresse suivante : reneesenneville@live.ca.
Événement à Québec
Membres de la Vieille Capitale, un souper amical aura également lieu à Québec au début du mois de juin. Les nouveaux membres de la région pourront faire la connaissance de leurs nouveaux collègues à cette occasion. Une invitation vous sera acheminée très prochainement.
Au plaisir de vous rencontrer!
- 15 avril 2014
La populaire entrepreneure Danièle Henkel publie une chronique dans le journal hebdomadaire Les Affaires, sous le titre « Entreprendre comme je le vois ». À lire : Plus qu’un art, la communication est une science qui se cultive.
- 15 avril 2014
Marie Clark, membre de la SQRP, vient de publier Le Lieu précis de ma colère, aux Éditions XYZ. Sans travail, sans amour, sans avenir, sans vie sociale, Benjamin a 30 ans et cherche désespérément une raison de s’accrocher. C’est alors que, dans la rue, il capte au vol la main levée d’Éliane sur son fils, le petit René-Xavier. Spontanément, il offre à Éliane de lui donner une heure de répit. Une offre que, contre toute attente, elle accepte… En plus d’être rédactrice, Marie est animatrice d’ateliers d’écriture et chargée de cours en création littéraire à l’Université de Montréal.
- 15 avril 2014
Evernote est un outil en ligne gratuit grâce auquel on peut regrouper en un seul endroit des idées, des photos, des pages Web, des contacts, etc. Il permet aussi la prise de notes, le « copier-coller » de textes ou l’insertion de liens. Evernote est utile pour structurer notre pensée, ainsi que pour regrouper toute l’information et les éléments du quotidien, tant professionnel que personnel. On y accède depuis notre ordinateur, notre téléphone intelligent ou notre tablette.
- 15 avril 2014
Le journaliste Jean-Benoît Nadeau a fait paraître, aux Éditions Québec-Amérique, la troisième édition de son guide, qui se présente comme le « coffre d’outil essentiel des travailleurs autonomes d’aujourd’hui ». Pour en savoir plus, visitez le site des Éditions Québec-Amérique. Vous pouvez aussi vous rendre sur le site Web de l’auteur pour obtenir des conseils, des outils et des réponses à vos questions: http://guidedutravailleurautonome.com/.
Le livre précédent de cet auteur devrait également intéresser nos membres. Il s’agit de Écrire pour vivre, Conseils pratiques à ceux qui rêvent de vivre pour écrire, paru chez le même éditeur, en 2007.