Après la conférence À propos de… la rédaction stratégique, qu’il a donnée à nos collègues et amis de la SQRP à Montréal, il y a quelques semaines, Luc Panneton présentait une causerie sur le même thème à Québec, le 25 octobre dernier, à l’Université Laval, en collaboration avec le Département d’information et de communication. Notre collègue Alain Boucher a bien voulu rédiger l’article suivant à ce sujet.
La causerie
Luc Panneton nous a livré là, en près de deux heures incluant l’échange de conclusion, une fort généreuse causerie sur l’art et la manière de la rédaction stratégique. Une causerie en effet, bien davantage que la conférence annoncée, qui siérait moins à ce communicateur de terrain, causerie qui a la particularité de réfléchir en flânant, de Marcher entre les mots. Le rédacteur de longue pratique a bien illustré ce titre de son ouvrage, paru en 2016, en le comparant parfaitement à ces espaces étroits, en apparence anodins, qui séparent les cases de bande dessinée. Racontée dans ces cases par le bédéiste, l’histoire se développe et se complète dans la tête du regardeur, là, entre les dessins colorés. De la même manière, le rédacteur cisèle des phrases et tricote des mots entre lesquels le lecteur complète sa compréhension totale du texte, du message.
Qu’il soit rédacteur ou dessinateur, la maitrise du communicateur consiste à mener le lecteur par la main, à lui livrer une histoire dans laquelle il ne doit jamais tenir pour acquis que ce récepteur sait de quoi parle l’émetteur. Les exemples sont légion dans l’expérience de Panneton, rédacteur éclectique trempé dans bien des milieux – publicitaire, corporatif, public, etc. – et en plusieurs cultures – Afrique centrale, Maghreb, Antilles et bien sûr Amérique du Nord. Peu importe d’où il vient et qui il est, c’est le public lecteur qui conditionne notre écriture. Sa lecture alimente notre pratique et pour lui écrire, il faut « savoir lire » d’abord le lecteur ; la curiosité est la qualité première du rédacteur. Évidences de rédaction méconnues des néophytes et trop souvent oubliées des routards? Avec sa riche expérience, Luc Panneton nous amène à réfléchir, en bonheur et profit, à quelques lieux communs de notre profession : on doit pouvoir justifier chaque mot; le mandat conditionne le contenu; le mot clé du rédacteur est recommencer; le rythme et la musicalité du texte sont essentiels; le travail des mots consiste à créer des images. Rafraîchissant.
La SQRP peut considérer que ce rappel était bienvenu, sinon nécessaire : à près de 40 personnes, la salle de l’Université Laval était comble. Certes des étudiantes au programme de rédaction professionnelle ont participé, mais aussi et surtout des rédactrices et rédacteurs, membres ou non des associations langagières (SQRP, CLEF, OTTIAQ, Réviseurs Canada), de tous horizons de Québec. En conclusion de causerie, le partage d’expériences a été fructueux et prodigue, entre personnes de mots et de messages que nous sommes. Ainsi, en réponse à la requête d’une novice de quelques trucs d’utilisation des techniques rédactionnelles de base, une étudiante du programme l’a chaleureusement invitée à s’y inscrire. La profession est vivante, la relève est bien présente !
La SQRP se réjouit de ce succès et remercie Isabelle Clerc, du Département d’information et de communication de l’Université Laval, pour sa collaboration à l’organisation de la causerie Marcher entre les mots de Luc Panneton.
Et le livre
Marcher entre les mots. La rédaction stratégique en communications publiques, paru chez Linguatech, Montréal, 2016, 78 pages.
La communication publique ne peut exister efficacement si son acteur principal, le rédacteur, n’a pas répondu clairement à la question de départ : « Qu’est-ce que je veux dire ? » Plus complexe encore, s’il n’a pas su détecter ce que mon mandant – employeur ou client – souhaite dire ou veut que je dise.
Dans son livre Marcher entre les mots, le praticien et formateur en rédaction et communications publiques Luc Panneton ne répond évidemment pas à ces questions, mais expose dans ce « manuel de terrain » les prémisses de la réflexion. Au premier chapitre, il définit (ou rappelle) le contexte des communications publiques et distingue « rédaction de communication » de « rédaction d’expression ». Cette mise en bouche lui permet de cerner le sujet, avant d’approfondir la réflexion et l’exemple. Le deuxième chapitre de l’ouvrage précise les principaux domaines d’intervention rédactionnelle publique que sont les trois sœurs : publicité, promotion et relations publiques. Ressemblantes mais pas jumelles, la première séduit, la deuxième vend et l’autre influence. L’information est primordiale quand on souhaite faire la cour à l’une d’entre elles. L’auteur nous fait explorer en troisième chapitre les bureaux et corridors d’agences de communication, lui qui y a longtemps pratiqué. La visite technique du rédacteur est savamment guidée, entre stratégie et contraintes, public visé et médias, budgets et délais, contexte et objectifs « de comm’ ».
Ces trois premières parties permettent au praticien d’aborder en confiance la quatrième, où l’écriture est mise sous la loupe. Les bases mêmes de la rédaction sont ici rassemblées et expliquées de manière concise, précise et agréablement imagée d’exemples de terrain : les questions fondatrices, le (faux) syndrome de la page blanche, l’argumentaire de création, le plan de communication, le titrage, la relecture, les aléas du métier, les supports de l’écrit, les erreurs courantes, etc. Éloge de l’intelligence du lecteur, tout y est réuni pour entreprendre, et pourtant l’auteur n’a nulle part expliqué comment écrire un communiqué de presse ou un discours, un message radio ou un dépliant d’information !
À ce sujet précis, Luc Panneton le formateur conclut : « La structure d’un texte, la pyramide inversée, le public cible, c’est une chose. L’écrit en est une autre. Écrire s’apprend sur le tas. » Afin de bien comprendre toutes les nuances de ce qu’il a voulu dire, aux rédactrices et rédacteurs de toutes conditions maintenant d’aller marcher entre ses mots.